Good Practice
Entretien Sabine Muster
Pourquoi as-tu décidé d’aborder la question de l’orientation vers l’impact dans les cours de SILVIVA?
Pour moi, l’impact est essentiel et la base de mon travail de chargée de cours, parce que nous formons des multiplicateurs/trices. Donc, on a un impact à plusieurs niveaux: les personnes qui suivent nos cours doivent être capables de transmettre ce qu’ils apprennent à leurs publics. Nous voulons qu’ils/elles soient capables, en tant que multiplicateurs et multiplicatrices, de transférer les objectifs de nos cours d’une certaine manière, allant dans le sens de notre mission: amener les participant·e·s à leurs formations vers une société plus durable et respectant les ressources. Le transfert et l’orientation vers l’impact sont alors le fondement de nos efforts, notre raison didactique ou pédagogique si tu veux. La difficulté, c’est de trouver les ressources en temps, en personnel et en argent pour vérifier cela. C’est une question qui nous accompagne depuis la création de nos formations.
L’orientation vers l’impact est partie d’une motivation à l’interne. Nous voulons contribuer à une société plus durable, c’est notre vision; nous devons par conséquent investir dans un impact à long terme. Donner un cours sans vision à long terme ne me motive pas. Par ailleurs, certains donateurs attendent qu’on formule l’impact et qu’on le vérifie. Leurs formulaires de demande de soutien vont dans ce sens! Cela nous engage à nous poser des questions à ce sujet. Mais nous sommes ouverts à ces enjeux et nous le faisons déjà. Ce n’est donc pas un gros changement pour nous. L’impact à long terme est le moteur de nos projets et de notre formation!
Qu’est-ce que ça vous a apporté comme avantage?
Nous ne voyons pas l ’orientation vers l’impact comme quelque chose d’additionnel, mais comme quelque chose d’intégré. Nous partons de l’impact avant de mettre en place les mesures concrètes. Nous sommes convaincus que c’est nécessaire, nous n’avons pas besoin d’une impulsion ou d’une obligation pour le faire. En tant qu’organisation qui vise la transformation vers une société plus soutenable, nous nous donnons les moyens pour être le plus cohérent possible déjà à l’interne. Nous essayons d’offrir un climat de travail agréable, nous avons par exemple une charte de communication et nous mesurons l’impact climatique de nos activités. C’est plus vécu de l’intérieur qu’amené par l’extérieur. Mais c’est du travail! Nous investissons pas mal de temps à vérifier les objectifs et l’impact et à comment les vérifier. Mais nous sommes convaincus qu’il faut avoir une vision à long terme et puis voir comment on l’atteint le mieux.
Quelle a été la difficulté principale? L’obstacle le plus manifeste? Comment avez-vous pu résoudre ces difficultés?
La première difficulté est constituée par les ressources dont nous avons besoin pour vérifier l’impact. Nous avons commencé à interviewer les participant·e·s à la formation «enseigner dehors» une année après la formation. Pour voir ce qu’ils ont appris, comment ils appliquent les nouveaux contenus. Mais cela implique de dégager du temps pour réaliser, analyser et retransmettre l’essence des interviews. Selon les projets, c’est difficile d’intégrer cette étape au budget. L’évaluation n’est pas systématiquement payée par un donateur. De l’autre côté, je dirais qu’il faut du temps pour mesurer l’impact: pour recevoir des résultats pertinents, on doit chercher les méthodes adéquates d’évaluation.
L’autre difficulté, c’est qu’on a tendance à faire l’évaluation en dernier et il ne reste souvent plus de temps ou d’argent. Nous essayons dans nos formations de mettre à disposition assez de temps pour l’évaluation, en transmettant le message aux participant·e·s: «Gardez l’évaluation!». L’évaluation n’est pas encore un truc fun! C’est assez difficile de convaincre les participant·e·s de réfléchir au processus de leur apprentissage au lieu de faire une activité en plus, même si c’est beaucoup plus bénéfique. Pour surmonter la résistance, je trouve important que les gens dans nos cours puissent le vivre, ensuite, quand on fait un bilan et que l’on partage les expériences de la réflexion, ils disent «oui, je vois les avantages». D’ailleurs, on observe que tous nos efforts ont aussi provoqué un processus chez les chargé·e·s des formations externes. Depuis deux ans, nous remarquons qu’ils/elles commencent à soutenir l’orientation vers l’impact chez eux/elles-mêmes et chez les participant·e·s. Le défi pour tous et toutes, c’est de connaître des méthodes adaptées pour vérifier le développement des compétences.
Si tu souhaites donner un conseil à d’autres organisations qui souhaitent s’orienter vers les effets et l’évaluation des impacts: que devraient-elle absolument prendre en considération?
Le mot «impact» n’est pas très attractif mais si l’on trouve les méthodes et les outils qui peuvent lui amener un côté fun et montrer tout son sens, alors il fera plus facilement partie de la conception et de la réalisation des cours. Par exemple j’utilise l’escalier de l’impact (voir manuel «Social Impact Navigator») . Il parle beaucoup aux gens. Souvent, on a tendance à s’arrêter entre les étapes 3 et 4, mais dans mes cours, j’insiste pour porter la réflexion au niveau 5 et au-delà.
Même si on a pas mal d’expérience dans la formation et dans la gestion des projets, formuler les objectifs est toujours un défi. Et c’est encore un plus grand défi de formuler l’impact. La perspective à long terme et la question de savoir où on veut s’arrêter avec l’impact, c’est assez compliqué! Je pense que plus que tu fais du management de projet, plus tu es à l’aise pour formuler les objectifs. C’est un entraînement.
On pourrait mettre l’escalier de l’impact à disposition de celles et ceux qui s’intéressent à l’orientation vers l’impact. Ou on pourrait faire des ateliers ensemble, pour apprendre ensemble. Une autre idées serait un accompagnement comme celui que j’ai reçu de Sandra Wilhelm et de Urs Müller pendant le projet pilote. J’y ai reçu des conseils pour formuler les objectifs d’impact. Partir d’un état des lieux et recevoir un feedback m’a déjà donné pas mal d’impulsions.